L’Histoire du Laos
L’histoire avant l’histoire
Pendant de très nombreux siècles, le Laos n’a pas réellement eu d’existence en tant qu’entité étatique ou nationale distincte de son environnement régional. Même si l’archéologie indique un peuplement très ancien – de l’ordre de 10 000 ans av. J.-C. -, le pays semble être resté très longtemps un simple lieu de migrations et de passage pour les populations originaires de Chine ou du Vietnam, sans structures ou identités locales suffisamment fortes ou durables pour émerger réellement sur la scène historique.
L’acte de naissance : le royaume de Lane Xang
C’est au XIVe siècle que se constitue le premier « Etat » laotien. Un aristocrate conquérant, Fa Ngum, soumet par les armes les régions de Vientiane, Xieng Khouang et Luang Prabang et, en 1353, se proclame souverain d’un nouveau royaume : le Lane Xang, littéralement « royaume du Milliond’Eléphants ».
Fa Ngum intronise le bouddhisme « hinayana » religion officielle, structure son royaume en petites entités féodales vassales et en agrandit les limites jusqu’au Champa, à l’est, et à la cordillère Annamitique, à l’ouest. Son fils Samsenthai, qui règne plus de quarante ans, consolide et enrichit les bases du royaume.
A sa disparition, pourtant, se manifeste ce qui deviendra la plaie récurrente du royaume : les luttes de factions et les dissensions internes, qui affaiblissent le pays et encouragent les incursions militaires de ses voisins vietnamien ou birman. Instabilité chronique, donc, d’où émergent pourtant quelques figures de souverains plus énergiques, comme le roi Setthathirat (1548-1571), qui organise le transfert définitif de la capitale de Luang Prabang à Vientiane, ou encore Sulinya Vongsa (1637-1694), dernier monarque de Lane Xang, qui pousse à son maximum l’expansion territoriale du royaume.
Laos ou Lao ?
En 1899, le colonisateur français unifie l’administration des différentes « principautés » ou miniroyaumes qui se partagent les terres de son protégé, et baptise la nouvelle entité d’un nom unique : le Laos. Ce faisant, l’administration coloniale commet toutefois une petite erreur sémantique, qui souligne sa méconnaissance du sujet. Le pays aurait dû en effet, en toute logique, être appelé le Lao, puisque c’est le terme qu’on utilise sur place, dans la langue locale, pour désigner indifféremment le territoire comme n’importe lequel de ses habitants. En suivant le même raisonnement, Laos correspondrait en fait à un pluriel désignant les Laos, peuple du Lao. Le choix impropre des Français est néanmoins resté, et désormais imprimé sur toutes les cartes et atlas du monde…
Éclatement et soumission
Au tournant du XVIIIe siècle, le roi Sulinyoa Vongsa n’ayant pas laissé d’héritier, le Lane Xang éclate en trois sous-ensembles indépendants : Vientiane, Luang Prabang et le royaume de Champassak, au sud. Un morcellement qui attise évidemment les appétits de conquête du voisinage. Il faudra quelques décennies seulement aux Birmans d’abord mais surtout aux Siamois pour annexer militairement ces territoires et faire d’une bonne partie de l’ex-Lane Xang un ensemble de possessions vassales de Bangkok.
Au XIXe siècle, malgré quelques tentatives de rébellion, comme celle du prince lao Anou, la désintégration se poursuit. Le pays subit tour à tour des envahisseurs annamites et même chinois, et se vide progressivement de ses habitants, tout en voyant s’appesantir la tutelle thaïlandaise.
Le protectorat français
Devenu, dans la seconde moitié du XIXe siècle, un acteur de poids dans le Sud-Est asiatique grâce à sa présence au Vietnam et au Cambodge, la France s’implante pour la première fois au Laos dans les années 1880, par l’entremise d’un consulat à Luang Prabang. Très vite, le souverain local, Oum Khan, réclame le protectorat français, à la grande contrariété du Siam. Celui-ci pourtant, face à la puissance du colonisateur européen, ne pourra pas faire autrement qu’accepter une série de traités et d’accords aboutissant à « libérer » de la suzeraineté siamoise toute la rive est du Mékong et à fixer définitivement, en concertation avec la Chine et la Grande-Bretagne, les frontières du Laos d’aujourd’hui.
La France, toutefois, malgré son demi siècle de présence sur place, ne se lancera jamais réellement dans l’exploitation de sa nouvelle colonie. C’est le Vietnam qui mobilise alors l’essentiel de ses efforts, et le Laos restera surtout utilisé comme une zone tampon entre le Siam, la Birmanie (sous contrôle britannique) et les possessions vietnamiennes de l’Hexagone.
L’indépendance et la victoire communiste
La fin de la Seconde Guerre mondiale voit naître une aspiration à l’indépendance. Malgré la division des mouvements nationalistes, la pleine souveraineté du pays est finalement concédée par la France en 1953. Mais entre-temps a surgi sur le terrain un nouvel acteur : un mouvement de guérilla d’inspiration communiste, le Pathet Lao, très proche du Viêt-minh. Dès lors va s’ouvrir une longue période de luttes politiques et d’affrontements armés, marquée par de nombreuses – mais vaines – tentatives pour réconcilier les frères ennemis laotiens au sein de divers gouvernements de coalition. Dans les années 1960, le conflit tourne à la guerre civile. Des coups d’Etat successifs installent à Vientiane un régime royaliste farouchement anticommuniste, soutenu militairement et financièrement par les Etats-Unis. Progressivement, les combats s’intensifient au Vietnam voisin et, à partir de 1969, les Américains bombardent massivement les territoires laotiens jouxtant la piste Ho Chi Minh. Un cessez-le-feu est finalement signé en 1973, et toutes les troupes étrangères quittent le Laos. Deux ans plus tard, en 1975, le Pathet Lao prend le contrôle de tout le pays, abolit la monarchie et proclame l’instauration de la République démocratique populaire lao (RDPL). Le régime, qui, ces dernières années, a sensiblement assoupli sa rigidité idéologique initiale par des réformes, perdure encore aujourd’hui.