Le Nord-Ouest du Cambodge
Hormis la zone d’Angkor, sécurisée depuis plusieurs années, le Nord-Ouest cambodgien est resté longtemps un peu en marge du reste du pays, non pour des raisons d’accessibilité géographique mais parce que la zone était encore assez largement sous contrôle des Khmers rouges , donc potentiellement dangereuse pour les visiteurs. Avec l’abandon progressif de la lutte armée par les ultimes poches rebelles – et certains arrangements opportunément négociés par les autorités avec les derniers chefs khmers rouges encore puissants, reconvertis dans des activités commerciales plus fréquentables… -, le Nord-Ouest est redevenu une région raisonnablement sûre . Le secteur se normalise à nouveau, même si les mines, la plaie du Cambodge, y sont encore nombreuses et si le réseau routier, en piteux état , arbore encore les stigmates durables d’années de guerre et d’abandon. Compte tenu du caractère récent du « retour à la normale » au Cambodge, il est néanmoins prudent, avant une excursion, de se renseigner localement sur les conditions de sécurité .
Les mines, encore et toujours
On croisera souvent, sur les routes autour de Battambang, les équipes cambodgiennes de déminage, reconnaissables à leur salopette vert vif. L’une de leurs tâches prioritaires est de « nettoyer » les abords des grands axes routiers, afin que les bulldozers qui remettront ces routes en état puissent travailler sans risques. Mais leur programme à long terme est bien plus vaste. Des régions entières du Cambodge rural sont encore infestées d’engins explosifs non désamorcés et les accidents, touchant notamment des enfants, sont encore quasiment quotidiens, comme en témoigne le très grand nombre d’estropiés et d’invalides présents partout dans le pays. Avec l’Angola et quelques autres, le Cambodge a le triste privilège d’être le pays le plus miné au monde. Plus de six millions de mines, « l’arme des lâches », s’y trouveraient encore. Au rythme actuel du déminage, il faudra un minimum de vingt à trente ans pour s’en débarrasser.
Battambang
A 50 km environ à l’ouest du lac Tonlé Sap.
Deuxième ville du pays après Phnom Penh, « capitale » de la province du même nom, Battambang est une agglomération étendue, plaisante et aérée en bordure de la rivière Sangke (ou Sangkei). Elle doit sans doute à sa fonction passée de principal quartier général de l’insurrection khmère rouge, de nombreuses années durant, d’avoir paradoxalement assez peu souffert dans sa structure des destructions de la guerre civile.
L’essentiel de son architecture coloniale française , en particulier, distribuée dans le centre-ville au sein d’un plan urbain « en damier », est resté préservé et mérite une promenade. On admirera ainsi, juste en face du pont central, qui enjambe la rivière, le très joli palais du gouverneur et, en suivant la courbe du cours d’eau vers l’est, plusieurs belles demeures anciennes aux façades ocre du quartier administratif, aujourd’hui occupées par la Compagnie des eaux, de l’électricité ou le département du Tourisme. Encore un peu plus à l’est, rayonnant à partir de la place du marché, on pourra également parcourir plusieurs belles rues à arcades festonnées de volets de bois (rues no2 et 3, notamment), assez bien conservées, dont les pas de porte sont occupés par des commerces ou des petits restaurants.
Phnom Sampeu
A 12 km environ au sud-ouest de Battambang.
La « colline du Sampan » , ainsi nommée d’après une vieille légende khmère mettant en scène un roi et son navire, un sampan, dans son combat contre un crocodile géant, s’élève sur la route (épouvantablement défoncée) qui mène à Pailin, vaste falaise tranchant abruptement sur la plaine parfaitement plate qui s’étend alentour. Le lieu est connu de tous les Cambodgiens grâce à une célèbre chanson sentimentale ayant Phnom Sampeu pour décor…
La colline est visitée pour la pagode qui s’érige à son sommet, mais surtout pour ses nombreuses grottes . Presque toutes abritent des représentations de Bouddha , de petits autels ou des témoignages de foi religieuse. Certaines, comme la Grande Grotte , sont habitées par une poignée de moines qui vivent retirés là en ermites, méditant au milieu des criailleries des singes, qui se poursuivent dans les arbres… D’autres sont presque tabou, comme la grotte des Diables , ainsi baptisée car les hommes de Pol Pot, à l’époque des Khmers rouges, venaient y exécuter leurs victimes.
Suivez le guide !
A l’est du marché central de Battambang en suivant la rivière, laissez-vous porter jusqu’au quartier du Wat Leap, aux ruelles de terre battue : les petits restaurants du cru y servent une spécialité de pâtes de riz sautées, très connue ici, absolument délicieuse.
Pailin
A 100 km environ au sud-ouest de Battambang.
Au pied des derniers plissements du massif des Cardamomes (qui peuvent faire l’objet d’une petite excursion), et à une vingtaine de kilomètres seulement de la frontière thaïlandaise , la ville de Pailin fut pendant très longtemps une placeforte inexpugnable des forces des Khmers rouges – et, de ce fait, pratiquement inaccessible aux voyageurs sans de solides protections. Une particularité d’ailleurs toujours d’actualité, puisque les mêmes Khmers rouges sont encore sur place : ils ont tout simplement abandonné formellement leur lutte et fait allégeance aux autorités autorités de Phnom Penh, non sans négocier avec celles-ci, en échange de leur « reddition », un statut dérogatoire de province quasi autonome qui, concrètement, leur permet de continuer à régenter la région comme ils l’entendent, exactement comme avant…
Un enjeu de poids dans la mesure où Pailin et ses environs possèdent de très nombreuses mines de pierres précieuses – saphirs et rubis en particulier. Ces pierres font l’objet d’un commerce très intense (évidemment incontrôlable par le gouvernement cambodgien) avec la Thaïlande voisine. Ajouté à d’autres activités plus ou moins légales, comme l’abattage de bois précieux ou le jeu – un casino s’est ouvert juste à la frontière… -, cela donne à cette destination une aura un peu sulfureuse de ville-frontière, en marge des lois ordinaires. La vraie nouveauté est que, désormais, partir visiter Pailin n’équivaut plus, pour le voyageur étranger, à jouer à la roulette russe, et peut se faire avec de raisonnables garanties de sécurité.
Sisophon
A 70 km au nord-ouest de Battambang.
C’est la « capitale » régionale de la province de Banteay Mean chey. Un secteur un peu déshérité du Cambodge, noyé sous la boue lors des pluies de la saison humide et rissolant sous un soleil écrasant à la saison sèche… Hormis les visiteurs transitant ici en direction de Siem Reap ou de la Thaïlande, il n’y aura donc pas beaucoup de tourisme sur place. On peut faire une rapide promenade en ville, notamment dans l’un des parcs qui s’animent un peu en fin de journée, mais les attractions restent très limitées. Sisophon est le lieu de passage obligé pour rallier, en direction du nord, le site angkorien de Banteay Chmar.
Banteay Chmar
A 60 km environ au nord de Sisophon.
Edifié au cours de la même période que les grands temples d’Angkor, alors que les souverains khmers étaient au plus haut de leur puissance et les architectes au meilleur de leur art, Banteay Chmar apparaît un peu comme un paradoxe : le sanctuaire est probablement l’une des pièces essentielles du patrimoine khmer, et pourtant demeure l’un des moins visités. Sa localisation très isolée (dont les spécialistes ne s’expliquent d’ailleurs toujours pas le choix de la part de ceux qui décidèrent sa construction), ainsi qu’une sécurité d’accès restée longtemps aléatoire expliquent sans doute en partie cette désaffection.
Autre élément d’explication : la dégradation du site , celui-ci ayant en effet été très abondamment pillé (les bas-reliefs en particulier) jusqu’à une période très récente, avec la complicité avérée de ceux-là même qui avaient la charge de le protéger des vols.
Le passage du temps a également joué son rôle et nombre des monuments qui composent Banteay Chmar sont aujourd’hui en ruine . Reste, quand même, l’ampleur imposante de la construction, l’un des plus vastes temples angkoriens que compte le Cambodge.
Poipet
A 50 km à l’ouest de Sisophon.
C’est le principal poste-frontière « officiel » avec la Thaïlande dans la région. La plupart des voyageurs occidentaux circulant en provenance ou en direction du Cambodge par voie terrestre passeront par cette ville, par ailleurs sans intérêt notable.
Anlong Veng
A moins de 30 km de la frontière thaïe ; 200 km de Sisophon.
Cette bourgade autrefois perdue, tout au nord de la province de Siem Reap, fut longtemps l’ultime refuge du dernier carré de Khmers Rouges en armes. Avec la pacification du pays, le site est désormais redevenu accessible aux visiteurs de l’extérieur, mais ne présente guère d’intérêt autre qu’historique. Les forêts d’Anlong Veng, en effet, ont servi de cadre il y a quelques années à l’épisode final du sanglant parcours de l’ancien maître du Cambodge : le piteux procès de Pol Pot, dans la tradition des purges maoistes, par ses anciens compagnons pressés de se débarrasser d’un leader encombrant. Le rideau est retombé sur la scène de l’Histoire à Anlong Veng avec la mort du « frère n° 1 », le 15 avril 1998.
Vidéo :